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LA SAISON 2023-2024

Cette nouvelle année signe la 20e saison cinématographique de l’Institut audiovisuel de Monaco.
Pour fêter cet anniversaire, le Grimaldi Forum Monaco accueille la soirée d’ouverture dans la salle Camille Blanc.

Les Sortilèges du temps

Figuratif et réaliste par nature, le cinéma l’est aussi, le plus souvent, par sa fidélité à la durée que lui impose sa propre technique. Si le film est tourné à vingt-quatre images par seconde, il est projeté au même train, l’action à la même allure. Cette faculté d’imitation fascine depuis toujours les cinéastes, tentés parfois de réunir dans un même geste le temps du récit et le temps de sa représentation. Mais le cinéma ne peut se définir comme un art que si son miroir apprend à déformer ce qu’il réfléchit, en d’autres termes, c’est à l’écriture comme au montage que se brise la prétendue chronologie de l’intrigue, que s’invente la véritable narration du film. Le rapport au récit, au temps, à la mémoire, voilà ce que cette nouvelle saison de cinéma entend interroger, à travers une poignée de films à la diversité féconde où se cristallisent nos souvenirs et nos émotions.

C’est à une sorte de rêve éveillé que nous convie secrètement Ingmar Bergman avec Les Fraises sauvages (1957), celui d’un vieux savant qui, le temps d’un voyage, se remémore quelques épisodes de sa vie, affrontant les souterrains lumineux de l’enfance comme les cruelles évidences qu’il a toujours fuies. Le film se déroule au présent mais se conjugue tout autant au passé, parfois même à l’imparfait, sans qu’aucun artifice ne souligne le passage de l’un à l’autre : que Bergman ait mêlé de façon aussi fluide le rêve à la réalité donne à ce film sur les songes et les mensonges de l’existence sa puissance et sa soudaine sérénité.

Entre réalité et imaginaire, L’Année dernière à Marienbad (1961) choisit, lui, l’entre-deux : on est prié de se laisser aller à la contemplation, à la rêverie, d’accepter de jouer à se perdre dans les dédales d’un décor majestueux qui semble hanté par sa propre mémoire, où les personnages n’ont ni nom, ni passé, ni avenir, abandonnés sur le lit de leurs incertitudes, univers obsessionnel où le temps est aboli, où le sens des mots et des images n’apparaît que par bribes, par rimes, comme les pièces d’un puzzle dont le motif se dérobe sans cesse. Y a-t-il eu au cinéma pouvoir plus hypnotique et fascinant que les travellings blancs sur ces jardins à la française ? « Un film ouvert à tous les mythes » selon les mots d’Alain Resnais, un absolu du cinéma qui compte autant d’interprétations que de spectateurs.

Le mystère de l’illusion cinématographique est aussi le sujet de La Rose pourpre du Caire de Woody Allen (1985), subtil jeu de miroirs où s’opposent spectacle et monde réel, la vie chatoyante du cinéma comme remède à la grisaille du monde. Ce « film dans le film », qui provoque le chaos à l’écran comme dans la salle, est une merveille d’intelligence et d’humour, qui se permet toutes les audaces, y compris celle de suspendre la marche du temps. Il a la précision économe du conte de Noël et dans les yeux émerveillés de Mia Farrow, qui attend son prince charmant, passent toute la grâce et la mélancolie des grands rêveurs de l’écran qui, sortilège du temps, aiment le cinéma plus que la vie.

Jacques Kermabon et Vincent Vatrican

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