Le dernier jour de l’été, Louise voit que le dernier train est parti sans elle. Elle se retrouve seule dans une petite station balnéaire aux rues désertes, abandonnée de tous. Que s’est-il passé ? Le temps rapidement se dégrade, les grandes marées surviennent. C’est la tempête et les premières nuits sont difficiles. Mais bientôt le beau temps revient pour lui offrir même un automne exceptionnel. Louise considère alors son abandon comme une sorte de pari. Elle va se construire une cabane sur le rivage, découvrir à soixante-quinze ans ce qu’est la vie d’un Robinson, et s’apercevoir qu’elle est plus résistante et débrouillarde qu’elle le pensait.
France, Canada, 2016, couleur, 75 min.
Réalisation et scénario : Jean-François Laguionie. Musique originale : Pierre Kellner, Pascal Le Pennec. Direction artistique : Lionel Chauvin. Décors : Jean-François Laguionie, Philippe Jullien, Anne Heydon. Montage : Kara Blake. Animation : Johanna Bessière, Luc Chamberland. Graphiste : Jean-François Laguionie. Production : JPL Films, Tchack Films, Arte France Cinéma, Productions l’Unité centrale. Avec : Dominique Frot (la voix de Louise), Diane Dassigny (la voix de Louise jeune), Anthony Hickling (la voix de Tom), Jean-François Laguionie (la voix de Pépère).
C’est face au temps que l’héroïne s’avère la plus ingénieuse : elle se fait du vieil ennemi un allié. Dans sa maison, l’horloge s’est bloquée à 6 h 15, et cette heure arrêtée au cadran de la montre ouvre une porte hors de la temporalité officielle des hommes, où rêves et souvenirs vont pouvoir se mêler sans se heurter à ceux des autres. Le temps devient une chose pour Louise, qui n’appartient qu’à elle. Dès lors, apprivoiser la solitude devient une exploration, un élargissement lent mais sûr du territoire spatio-temporel (…). Merveilleux tableau animé que celui que Laguionie en tire, fruit d’un équilibre idéal entre le grain de la toile et des effets de sable, la transparence de l’aquarelle, l’harmonie d’une palette dont on ne sait si elle est fruitée ou fanée dans sa douceur – l’un des spectacles les plus gracieux que le grand écran a pu cette année nous offrir.
Noémie Luciani, Le Monde, 22 novembre 2016.
Né en 1939
Jean-François Laguionie entre par hasard dans le cinéma d’animation. Après des études en arts appliqués et un passage à l’école de la rue Blanche en section décor, il songe d’abord faire du théâtre. Il écrit des histoires qu’il imagine prendre la forme de spectacles de marionnettes, d’ombres chinoises. Il entretient aussi une fascination pour le mime. Colombat, son condisciple aux arts appliqués, a réalisé un premier film en papier découpé et le présente à Paul Grimault (le réalisateur du Roi et l’Oiseau), lequel lui suggère de se saisir de cette technique pour raconter une histoire. La Demoiselle et le Violoncelliste (1965), fable onirique et maritime, obtient le grand prix au Festival d’Annecy. Il enchaîne les courts métrages, un mode d’expression qui lui permet d’associer avec une liberté toute artisanale son goût pour l’écriture, le mime et la peinture, jusqu’à La Traversée de l’Atlantique à la rame (1978), parabole sur l’existence aux accents surréalistes, primé au Festival de Cannes et aux César. Conteur dans l’âme, Laguionie a publié de nombreux livres, romans et recueils de nouvelles. Le passage au long métrage lui permet d’amplifier ce goût pour le récit. Le créateur solitaire devient – ce qui lui convient le mieux – metteur en scène à la tête d’une équipe. Loin de s’en tenir à une technique ou à un style graphique, il multiplie les approches selon les sujets ou les enjeux de production. Il dépeint des traversées, des découvertes, des confrontations fécondes entre des mondes, réveille parfois les univers imaginaires de ses lectures d’enfance (Gwen, le livre de sable, 1984, L’Île de Black Mor, 2004), se livre à une méditation sur la peinture (Le Tableau, 2011), emprunte des voies plus intimistes (Louise en hiver, 2016). Slocum, son prochain et septième film – un record en France – entrecroise le souvenir du bateau que son père a construit dans le jardin de leur pavillon de banlieue et l’évocation d’un grand navigateur, Joshua Slocum.
Jacques Kermabon