Conversation avec Noémie Lvovsky, animée par Jacques Kermabon
Enfant et adolescente, Noémie Lvovsky rêvait d’être comédienne, mais à 15 ans, elle a tout arrêté après une audition au cours de laquelle on lui a lancé : « Tu as l’âge d’une jeune première mais pas le physique ». Elle a fini le lycée, suivi des études de lettres. Une rencontre avec le critique Jean Douchet s’avère décisive et elle intègre la première promotion de la Fémis, nouveau nom de l’Idhec, dans le département scénario. « C’est beaucoup plus tard, raconte-t-elle, en 2000 ou 2001, et par hasard, alors que j’avais renoncé à jouer la comédie, qu’Yvan Attal, qui s’apprêtait à réaliser son premier film Ma femme est une actrice (2001) m’a proposé de jouer. Pour mon bonheur ! » Elle ne cesse depuis d’exercer ces trois activités, l’écriture, la mise en scène et l’interprétation, allant même jusqu’à les réunir dans Camille redouble (2012), Demain et tous les autres jours (2017) ou La Grande Magie (2022), scénarios cosignés avec Florence Seyvos.
En reprenant le titre d’un texte fondateur sur l’art du jeu scénique, il ne s’agit pas tant de commenter les propositions de Denis Diderot que d’offrir à Noémie Lvovsky un axe de réflexion pour évoquer la direction d’acteur, question à laquelle elle a été confrontée dès son court métrage Dis-moi oui, dis-moi non (1989). On oppose parfois les comédiens qui ont besoin de s’imprégner de leur personnage jusqu’à – dit-on – le vivre en dehors des plateaux et ceux qui préfèrent arriver « vierges » sous les projecteurs. On distingue aussi les acteurs de composition, caméléons capables d’interpréter tous les rôles, et d’autres, des « natures » ou des « emplois », qui incarnent dans chaque film un identique personnage, le leur. Ces distinctions recèlent une part de vérité mais, comme la plupart des oppositions binaires, se révèlent notoirement insuffisantes.
Passant d’un côté de la caméra à l’autre, exerçant aussi son talent sur les planches, la réalisatrice des Sentiments (2003) est sans doute une des mieux à même de nous dire quels sens peuvent avoir des expressions comme « diriger un acteur » ou « justesse du jeu », non pas d’une manière générale, mais, exemples à l’appui, à travers le prisme de son expérience, celle de comédienne, mais surtout de réalisatrice, elle qui, pour incarner les protagonistes de ses scénarios, fit appel à des interprètes comme Sabine Azéma, Jean-Pierre Bacri, Nathalie Baye, Valeria Bruni Tedeschi, Isabelle Carré, Jean-Pierre Marielle, Denis Podalydès, Melvil Poupaud…
Jacques Kermabon