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Master class des frères Larrieu Arnaud et Jean-Marie Larrieu
lundi 29 janvier 2024 Théâtre des Variétés, 18 h 30

Dans le cadre de la saison de conférences de la Fondation Prince Pierre de Monaco

Espèces d’espaces

Nous n’avons pas relu l’ouvrage de Georges Perec mais son titre nous revient quand il s’agit d’évoquer la notion d’espace dans nos films. Dans nos premières pratiques le cinéma c’était l’idée de quitter la maison avec une caméra pour aller filmer les grands espaces de la montagne, puis de revenir au foyer pour projeter sur les murs les images impressionnées. Le cinéma comme une fenêtre qui perce la familiarité des murs intérieurs pour y introduire un point de fuite, un lieu de rencontre… Entre l’intérieur et l’extérieur, le dedans et le dehors. Et puis l’acteur, l’actrice sont arrivés. Où les placer ? Comment gérer le rapport, la relation du comédien à l’espace (naturel) qui l’entoure ? Le théâtre va-t-il avoir raison de l’authenticité de la nature environnante pour n’en faire qu’un décor, ou à l’inverse les espaces sauvages vont-ils offrir un nouveau point de vue sur le corps des acteurs qui y sont plongés ? De La Brèche de Roland, où une famille est en permanence « dehors », sans refuge, à Peindre ou faire l’amour où la maison d’un couple est le vrai personnage principal, en passant par Les Derniers Jours du monde où l’anti-héros court de lieu en lieu à la recherche d’une « chambre impossible », jusqu’à l’explosion finale de L’amour est un crime parfait où le professeur de littérature fait enfin corps avec le paysage, nous allons revisiter ces « espèces d’espaces » que traversent ou habitent nos personnages. On découvrira que le « géographique » y prime souvent sur « l’historique », établit sa propre dramaturgie. On s’arrêtera enfin sur notre espace de prédilection : une terrasse de maison, au lever du jour ou à la tombée de la nuit, entre chien et loup. Sans doute pour nous le lieu de la scène cinématographique par excellence. Une scène éphémère.

Arnaud et Jean-Marie Larrieu

Arnaud et Jean-Marie Larrieu seront aussi le dimanche 28 janvier au Cinéma de Beaulieu pour présenter à 16h30 leur film Tralala, séance suivie d’un débat

Jean-Marie et Arnaud Larrieu

Nés en 1965 et 1966

Au creuset de l’inspiration originelle des frères Larrieu, il y a les Pyrénées de leur enfance, une fibre familiale portée sur la réalisation de films amateurs, une cinéphilie bercée par le Cinéma de minuit de Patrick Brion et le Ciné-club de Claude-Jean Philippe, complétée par une fréquentation assidue de la Cinémathèque pendant leurs études dans une université parisienne. Dès leurs premiers courts métrages, l’importance des espaces dans lesquels leurs intrigues s’articulent, un art de considérer la nature comme une force imprévisible à l’image de la circulation du désir qui anime leurs personnages, dessinent les principales forces de leur cinéma en bonne part hédoniste. Malgré leur sensibilité à la matière du monde et à la complexité des sentiments, ils échappent au naturalisme en situant leurs intrigues sur une ligne de crête qui chemine aux abords de l’étrange, de l’onirisme, voire peut-être de la folie. Cette dimension est moins apparente que sous-jacente, dissimulée sous les abords d’une mise en scène sans éclat particulier, surtout soucieuse de préserver la vibration sensible que la caméra peut enregistrer et le voile de mystère qu’ils ont agencé. Leur peinture d’une rencontre échangiste, qui réunit Sabine Azéma, Daniel Auteuil, Amira Casar, Sergi Lopez dans Peindre ou faire l’amour (2005), à la fois évidente et insondable, en donne une dimension particulièrement éloquente. Mathieu Amalric, devenu un complice habituel, s’est moulé à plusieurs reprises dans leur univers : cinéaste velléitaire devenu guide de montagne (Un homme, un vrai, 2003), Robinson emporté par des embardées picaresques et sexuelles sur fond d’apocalypse (Les Derniers Jours du monde, 2009), don juan professeur d’université possiblement meurtrier (L’amour est un crime parfait, 2013). La diversité de ces personnages dit assez clairement la variété des inspirations des frères Larrieu.

Jacques Kermabon

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