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Dans les champs de bataille Danielle Arbid (2003)
mardi 4 mars 2025 Théâtre des Variétés, 19 h

Label « Cinéma et Méditerranée »
en partenariat avec les Rencontres Internationales Monaco et la Méditerranée

En présence de la cinéaste

Beyrouth 1983. Lina, enfant unique, vit avec ses parents au sein de la communauté chrétienne libanaise. Entre deux bombardements, du haut de ses douze ans, elle s’en va découvrir le monde extérieur, initiée par Siham, la jeune servante dont Yvonne, sa grand-mère autoritaire, a acheté les services. Adolescente en devenir, elle doit faire face aux disputes répétées de ses parents. Son père, joueur invétéré, accumule les dettes et, malgré la médiation d’un prêtre venu lui rappeler ses devoirs conjugaux, sa mère, enceinte et exaspérée par le comportement de son mari, décide de le quitter.

Belgique, Liban, 2003, couleur, 90 min, vostf.
Réalisation et scénario : Danielle Arbid. Image : Hélène Louvart. Son : Faouzi Thabet. Décors : André Fonsny. Montage : Nelly Quettier. Production : Quo Vadis Cinéma, Versus Production, Taxi Films. Avec : Marianne Feghali (Lina), Rawia Elchab (Siham), Laudi Arbid-Nasr (Yvonne), Aouni Kawas (Fouad), Carmen Lebbos (Thérèse), Takla Chamoun (Marwa), Roger Assaf (l’oncle Wadih), Danielle Arbid (la copine du voisin).

C’est une chose de mettre en scène le roman d’éducation d’une adolescente de douze ans dans une ville d’Europe à cette époque, c’en est une autre de le situer au cœur d’une guerre civile qui fut parmi les plus atroces du siècle dernier. Or le parti pris de la réalisatrice s’avère à cet égard tout à fait concluant. Déplaçant le champ de bataille dans la sphère intime, Danielle Arbid fait d’une pierre deux coups : elle conjoint, à travers le portrait sensible d’une fillette solitaire et mature, le déchirement mortifère d’une société éperdument éprise de jouissance et la décomposition tragique d’une famille. […] C’est bien toute la tragédie libanaise qui sourd de ce film délicat et juste, filmé au plus près des visages et des émotions, dans l’ivresse oublieuse des chansons et des musiques qui nous emportent.
Jacques Mandelbaum, Le Monde, 19 mai 2004.

Danielle Arbid

Née à Beyrouth, en 1970, Danielle Arbid fuit la guerre du Liban (1975-1990) et arrive en France en 1987 pour étudier la littérature à l’université Sorbonne-Nouvelle et le journalisme au CFPJ. Elle écrit pendant quelques années sans conviction pour la presse écrite (Courrier international, Le Magazine littéraire, Libération). Dans le but d’épater un homme qu’elle veut séduire, elle écrit une nouvelle, l’envoie au GREC (Groupe de recherches et d’essais cinématographiques) et obtient une aide pour réaliser un court métrage. Une jeune femme (Hiam Abbass) parcourt un quartier de Beyrouth dévasté par la guerre à la recherche d’un photographe qui pourrait lui montrer les clichés qu’il a pris de sa maison familiale avant sa destruction. Danielle Arbid n’a jamais pensé en tirer un film, mais, dès le premier jour de tournage de Raddem (1998), elle se trouve happée par le pouvoir démiurgique du cinéaste. Elle n’aimait pas la tension vers l’objectivité du journalisme, elle réalise un documentaire à la première personne, dans lequel on la voit questionner, les yeux dans les yeux, d’anciens miliciens rendus à la vie civile. Seule avec la guerre (2001) lui vaut le prix Albert-Londres. Son premier long métrage, Dans les champs de bataille (2003), puise dans les réminiscences de son adolescence pour en faire revivre des impressions, des sensations, des émotions, des questions morales, celles d’une jeune fille livrée à elle-même, à ses désirs, dans une famille en proie à d’incessants conflits. Elle entame parallèlement Conversation de salon, série de courts métrages d’une dizaine de minutes, extraits de rencontres que sa mère organise chaque après- midi avec ses amies. La première série a été initiée pour le MAK – Musée des Arts appliqués en Autriche en 2003. Entre ses longs métrages de fiction, Danielle Arbid explore ainsi plusieurs genres, multiplie les modes d’expression, réalise des clips, est lauréate de la Villa Médicis hors les murs pour le documentaire Aux frontières (2002). Elle est également photographe et expose son travail à plusieurs reprises. La photographie est un des motifs d’Un homme perdu (2007), rencontre au Proche-Orient entre un Libanais peut-être amnésique et un photographe français qui prend des clichés de femmes abandonnées à l’intimité de rapports sexuels. La veine autobiographique (Peur de rien, 2015), la photo (The Smell of Sex, court métrage, 2008), le désir – restitué dans les passions au cœur de Beyrouth Hôtel (2012) et de Passion simple (2020), d’après Annie Ernaux –, le rapport au monde arabe pourraient désigner les centres de gravité de son inspiration. Mais s’il est souvent sensuel, son cinéma ouvre surtout des territoires formels et sensibles, semant au passage des interrogations qui résonnent en nous bien au-delà de ce que le film semble simplement raconter.
Jacques Kermabon

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